"Mr et Mme Rêve": trop parfait!
J'en ai déjà parlé ici, j'aime beaucoup la danse. Alors quand j'ai su que Marie-Claude Pietragalla allait venir à Toulouse avec son spectacle Mr et Mme Rêve, j'ai immédiatement pris ma place. Malheureusement, quelques mois plus tard, on m'a appellée en disant que Pietragalla était blessée et qu'elle allait être remplacée. Grosse déception, mais j'étais toujours curieuse de découvrir Mr et Mme Rêve. Puis on m'a rappellée pour m'annoncer que le spectacle était reporté d'environ un mois... Qu'importe: après toutes ces péripéties, j'ai fini par le voir!
M. et Mme Rêve, c'est un spectacle exigeant et avant-gardiste librement inspiré de l’univers absurde d'Eugène Ionesco et qui plonge le spectateur dans un monde irréel en utilisant la 3D et le numérique. «Ce n’est ni de la danse, ni du théâtre, ni une comédie musicale, mais du spectacle vivant», comme l'explique Marie-Claude Pietragalla. La chorégraphe et Julien Derouault ont travaillé deux ans pour mettre au point Mr et Mme Rêve, en coproduction avec Dassault Systèmes. Quant à la bande-son, elle a été composée et mixée par Laurent Garnier himself!
Le résultat est novateur et véritablement bluffant. Le spectacle est constitué d'une succession de petites saynètes aux ambiances très différentes. Originaux et fantasques, énigmatiques et absurdes, ces différents tableaux transportent immédiatement le public dans l'univers du rêve... Mais par moments j'étais tellement absorbée par les décors numériques que je faisais moins attention aux danseurs! La 3D est parfaite, c'est vraiment du "sur mesure" par rapport aux dimensions de la scène. Les projections sont d'une finesse incroyable, les couleurs changent sous nos yeux, bref je n'avais encore jamais rien vu de tel... Mais le délire est resté visuel alors que j'aurais aimé qu'il soit aussi émotionnel.
Ne vous méprenez pas. Même s'ils n'étaient pas forcément très assortis (elle étant toute petite et menue et lui assez grand et athlétique) au départ, les deux danseurs étaient parfaits, à la fois techniquement et dans un registre plus théâtral. Tantôt à deux, tantôt en solo, Nuang Kwan Sun, la danseuse coréenne qui remplaçait Marie-Claude Pietragalla à Toulouse, et Julien Derouault ont occupé la scène pendant 1h25, nous emmenant dans plein d'univers différents aidés seulement de quelques accessoires (vêtements, chapeaux, parapluies, fauteuils, lits, tapis roulant...). J'ai trouvé certains passages amusants et j'ai adoré par exemple le tableau où Julien Derouault évolue dans l'espace!
Tout semblait donc parfait mais - car il y a un mais - il n'y a pas eu "le petit plus" qui aurait déclenché le coup de coeur. Contrairement par exemple à ce spectacle des 7 doigts de la main, je n'ai à aucun moment ressenti une vraie émotion, je suis restée à distance en regardant Mr et Mme Rêve. Certes c'était en semaine après une journée de travail, mais quand l'émotion est là on oublie vite la fatigue! J'ai passé un bon moment et je me rappellerai sans doute des décors, mais je n'en garderai pas un souvenir très fort.
Ce soir-là la salle du Casino Barrière était comble et le public a applaudi longtemps à la fin du spectacle, mais je ne peux pas m'empêcher de me demander ce que ça aurait donné si Pietragalla avait pu danser. "Nous sommes tombés amoureux en dansant", confiait-elle ici en 2011 à propos de sa rencontre avec Julien Derouault, son compagnon depuis 15 ans. "L'entente et la fusion ont été totales, immédiates. Le premier ballet que nous avons dansé ensemble s'appelait Lola. Nous avons décidé d'appeler notre fille Lola, qui a 6 ans aujourd'hui !" Peut-être que si le couple avait été réuni sur scène, j'aurais eu l'émotion qui m'a manqué... Mais ça, je ne le saurai jamais!