"Le voyant", de Jérôme Garcin : un livre imparfait mais intéressant
"Le voyant" est le premier livre que j'ai lu dans le cadre du Prix Relay des voyageurs-lecteurs 2015. Ayant été éblouie par la plume de Jérôme Garcin dans "Olivier", j'avais hâte de retrouver cet auteur!
Le livre:
«Le visage en sang, Jacques hurle : "Mes yeux! Où sont mes yeux?" Il vient de les perdre à jamais. En ce jour d'azur, de lilas et de muguet, il entre dans l'obscurité où seuls, désormais, les parfums, les sons et les formes auront des couleurs.»
Né en 1924, aveugle à 8 ans, résistant à 17, membre du mouvement Défense de la France, Jacques Lusseyran est arrêté en 1943 par la Gestapo, incarcéré à Fresnes puis déporté à Buchenwald. Libéré après un an et demi de captivité, il écrit "Et la lumière fut" et part enseigner la littérature aux États-Unis, où il devient «The Blind Hero of the French Resistance». Il meurt, en 1971, dans un accident de voiture. Il avait 47 ans.
Vingt ans après "Pour Jean Prévost" (prix Médicis essai 1994), Jérôme Garcin fait le portrait d'un autre écrivain-résistant que la France a négligé et que l'Histoire a oublié (source: www.gallimard.fr).
L'auteur:
Jérôme Garcin, né le 4 octobre 1956, dirige le service culturel du Nouvel Observateur et produit et anime l'émission Le Masque et la Plume sur France Inter. Il est membre du comité de lecture de la Comédie-Française.
Jérôme Garcin fait sa scolarité au lycée Henri-IV à Paris avant d'entreprendre des études de journalisme. Il travaille ensuite pour le journal L'Événement du jeudi. En 1989, il succède à Pierre Bouteiller pour animer l'émission Le Masque et la Plume de France Inter dont il deviendra plus tard également le producteur. Il occupe aussi les fonctions de directeur adjoint de l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur et collabore au journal Service littéraire. Il est également un écrivain qui a publié de nombreux romans et récits consacrés à l'univers équestre, à sa famille, à ses ami(e)s et connaissances. Il a notamment reçu le prix Médicis essai en 1994 pour "Pour Jean Prévost" ou encore le Prix des romancières 2014 pour "Bleus horizons". Plus jeune, il avait également publié un recueil de poèmes, aujourd'hui introuvable. Il est marié à l'actrice Anne-Marie Philipe, fille de l'acteur Gérard Philipe (source: www.babelio.com).
Mon avis:
Comme je le disais en préambule, j'avais hâte de retrouver la plume élégante et fluide de Jérôme Garcin, d'autant que le peu que je connaissais de Jacques Lusseyran me donnait très envie d'en savoir plus. J'ai donc été ravie en apprenant qu'il faisait partie de la sélection du Prix Relay. Cependant, quand j'ai refermé le livre après l'avoir lu d'une traite un dimanche après-midi maussade, j'étais moins enthousiaste qu'espéré... Quelques semaines plus tard, j'ai même du mal à m'en rappeler; heureusement que mes notes sont là pour m'aider!
Il est intéressant de se dire que le plus important n'est pas forcément ce qu'on voit avec ses yeux. Lusseyran ne voulait pas qu'on le plaigne, il disait même que sa cécité, c'était son bonheur... Sa mère a voulu qu'il soit meilleur que les autres, elle l'a ouvert à plein de choses. Il s'est beaucoup cultivé très tôt, il a eu des convictions très jeune, il a charmé et aimé de nombreuses femmes, il s'est fait de vrais amis tout au long de sa vie. Mais cet homme a aussi du faire face à de grosses difficultés : il n'a pas pu devenir professeur en France car il était aveugle, il a connu la dépression à son retour de Buchenwald, il n'a pas élevé tous ses enfants...
Si le destin de Lusseyran est incroyable, je trouve malheureusement que le récit qu'en fait Jérôme Garcin n'est pas assez romancé et qu'il passe trop rapidement sur certaines périodes (il faut dire que le roman est court : 185 pages). La première partie de la vie de l'écrivain résistant (jusqu'à son retour de déportation) est vraiment intéressante car cet aveugle nous donne à tous une vraie leçon de vie. En revanche j'ai moins aimé la partie sur Georges Saint-Bonnet, où on sent l'auteur dans le jugement (il ne comprend pas comment Lusseyran est devenu disciple de ce "gourou"), ainsi que les années d'exil aux Etats-Unis puis en Grèce, à peine esquissées.
"Le voyant" est à lire pour découvrir cet homme extraordinaire et trop méconnu qu'a été Lusseyran (bien entendu on peut aussi se procurer ses ouvrages, par exemple "Et la lumiẻre fut", qu'on a très envie de lire en refermant "Le voyant") et pour le style admirable de Jérôme Garcin qui m'a de nouveau totalement charmée. Par contre, j'ai été un peu déçue par rapport à mes attentes (mais peut-être étaient-elles trop grandes), désorientée par la construction du récit (il y a beaucoup d'allers-retours dans le temps qui font qu'il est parfois difficile de s'y retrouver) et moins intéressée par la seconde partie du livre, moins détaillée (j'ai eu l'impression qu'il avait été terminé à la hâte).
Je n'ai pas eu le coup de coeur espéré pour ce premier roman de la sélection du Prix Relay, mais j'en ai encore trois à découvrir avant de voter!
Je ne vous ai pas dit que j'avais vos yeux. J'ai dit que j'en avais d'autres.
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A bientôt pour un billet sur ma 2e lecture du Prix Relay!