« D’après une histoire vraie », de Delphine de Vigan
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Depuis « No et moi », qui m’avait beaucoup plu, je guette avec impatience la sortie de chacun des romans de Delphine de Vigan. J’ai aimé « Les heures souterraines », qui décrivait avec une justesse étonnante une terrible mise au placard, et plus encore « Rien ne s’oppose à la nuit », où l’auteure enquêtait sur sa mère bipolaire après le suicide de celle-ci. Dans ce livre devenu best-seller qui avait tout de l’« autofiction », Delphine de Vigan se mettait complètement à nu devant ses lecteurs. En tout cas, on en avait l’impression. Car au fond, qu’en sait-on ? L’auteure tient au terme « roman », et quand on lui demande si tout est vrai, elle cite Jules Renard : « Dès qu'une vérité dépasse cinq lignes, c'est du roman ».
« D’après une histoire vraie » est le livre que j’attendais le plus lors de cette rentrée littéraire. D’ailleurs je remercie chaleureusement Filou, grâce à qui j’ai pu le découvrir avant sa sortie en librairie hier. Dans ce nouvel ouvrage, Delphine de Vigan reste fidèle à elle-même, en distillant ça et là de nombreux éléments autobiographiques (on retrouve son compagnon critique littéraire, ses deux enfants…), tout en changeant complètement de registre puisqu'elle nous embarque sans qu’on y prenne garde dans une intrigue haletante, en s’inspirant d’un découpage en trois parties qui rend hommage à Stephen King.
L’histoire, vous la connaissez certainement déjà : Delphine, le double de l’auteure, se lie d’amitié avec L., une femme sophistiquée rencontrée en soirée, qui va se montrer aussi séduisante que manipulatrice. Leur relation devient rapidement fusionnelle et exclusive et on sent très vite que cela va mal finir... Delphine confie à L. qu’après le succès aussi étourdissant qu’inattendu de son livre précédent, elle n’arrive plus à écrire : c’est le syndrome de la page blanche. Elle ne peut même plus allumer son ordinateur, ne serait-ce que pour répondre à ses mails, ou rédiger son courrier administratif. Heureusement L. est là pour aider son amie. En espérant que Delphine retrouve enfin l’envie d’écrire, L. lui répète inlassablement que les lecteurs veulent du réel, du « vrai ». Même si c’est douloureux, L. l’exhorte à écrire ce « livre-fantôme » qu’elle porte en elle… Finira-t-elle par la convaincre?
Le coup de foudre amical et la manipulation d'une part, mais aussi le travail d’écriture et la frontière entre le récit et la fiction d'autre part, sont les thèmes centraux du roman. Et c’est passionnant ! Bien malgré moi, j’ai refermé le livre avec cette question, lancinante : L. existe-t-elle ? Le titre du livre pourrait être une indication, mais dans les interviews l'auteure brouille les pistes en répondant par une pirouette : « C'est toute la question du livre. Chaque lecteur se fera son idée *. » Une chose est sûre, Delphine de Vigan a beaucoup de talent ! Ne passez surtout pas à côté de son nouveau roman.
* Extraits de l'interview de Delphine de Vigan parue dans le magazine "Marie-Claire" de septembre 2015